Sur la Loi Scélérate des Républicains au Sénat du 19 Mars 2024

   [CW: Transphobie, fascisme]


    
Ce 4 Avril, j'ai enfin pu mettre les yeux sur le premier proposition de loi venant du rapport de la commission LR au Sénat, incongrument nommé "La Transidentification des Mineurs". Rien que sur le compte rendu de cette commission j'aurais énormément de choses à en dire, mais mon état actuel ne m'a pas permis de finir mon travail sur ce sujet. Mais, en gros, cette PPL n'est absolument pas étonnante. Ni les acteurs·ices la présentant. Et pour ça, il faut avoir en tête l'équilibre des pouvoirs en jeu.

    C'est à dire que nous avons affaire à un parti de droite conservatrice n'étant pas capable d'amener à lui les votes autres qu’institutionnels (en gros celui des gros électeurs·ices), et qui n'a réellement de pouvoir que dans la chambre représentative du Sénat. De plus, on a un gouvernement avec une très faible légitimité; qui se retrouve avec une Assemblée Nationale n'étant pas sous sa coupole et nécessitant couramment de faire des alliances avec LR. Enfin, pour expliquer cette absurdité qu'est le Sénat proposant des lois (ce qui n'est pas sa fonction), ledit gouvernement a permis cela lorsqu'il a fallu trouver des personnes pour soutenir la loi immigration de Darmanin. En bref, cette situation est une pure cassure du système démocratique français, et pour celles·eux qui y croient un tant soit peu ça devrait les inquiéter rien que pour ça.

    Pour ma part, c'est plus sur un équilibre des pouvoirs médiatico-politiques vers lesquels je tourne mon regard. C'est à dire un équilibre des pouvoir de l'entendable, du proposable et du réalisable politiquement parlant (très grossièrement, la fenêtre d'Overton, mais en version appliquée, donc pas tant la fenêtre d'Overton que ça). C'est à dire que nous avons un équilibre des pouvoirs ultra libéral devenant de plus en plus autoritaire. Respectant de moins en moins ses propres règles pour imposer ses règles, et ce, du côté de la politique institutionnelle. Du côté de la vie politique publique, nous avons affaire à un phénomène de radicalisation générale par la droite. C'est à dire que tenir des propositions un tant soit peu sociales-démocrates prend alors des allures révolutionnaires, alors que des propositions venant traditionnellement de rangs fascistes sont portées par celles et ceux se classant su côté de la droite et gauche de pouvoir, ou se déclarant centriste. C'est très résumé, et loin d'être neuf, mais c'est le compte rendu vulgaire qu'on peut faire de la politique publique. Pour ce qui est de l'équilibre médiatique au sujet de la politique, toute cette mécanique est portée par le système médiatique. Les uns·es, en émettant des réserves sur les méthodes mais en prenant au sérieux les institutions, même quand elles partent visiblement dans une mécanique autoritaire flagrante et systémique ; les autres en poussant cette mécanique à fort renfort d'hypothèses du complot, de racisme, de LGBTQIAphobies, et de haine du peuple ; et les derniers·ières (peu nombreux·ses) essayant de faire un travail de journalisme digne de ce nom et étant couramment combattu par les institutions parce qu'iels essaient de faire un travail un tant soit peu qualitatif et sérieux. Si vous vous posez la question de si nous avions bien pu voir d'autres schémas similaire dans l'histoire, il suffit de voir ce qu'il était de ces éléments il y'a 90 ans en Occident.

    Si je dois faire partie des quelques paranos qui se trompent peut-être, alors je souhaites ardemment en faire partie: Si les choses ne changent pas très rapidement, alors l'Occident se condamne à générer de nouveau des états fascistes, parfaitement armés pour mettre à feu et à sang le monde. Mais tout ceci n'est que de la mise en contexte sur un autre sujet. De la part d'une personne venant d'une des populations semblant être visée par cette vague fasciste.



    Pour ce qui est du texte de loi, c'est ni plus ni moins que ce qui était promis par Jacqueline Eustache-Brinio dans ses interviews du mois dernier.

   -Interdiction des bloqueurs de puberté dans le cadre d'un diagnostique de dysphorie de genre chez les mineurs. Et uniquement ce cadre, contrairement à ce que semblait indiquer la très mal avisée sénatrice dans ses précédentes interventions médiatiques sur ce sujet. Je le précise, puisque je craignais une interdictions stricte des bloqueurs de puberté aux mineurs, qui ont pourtant un usage beaucoup plus large que juste les personnes transgenres.

-Interdiction de prescription de traitements tendant à développer des traits non-conforme au genre assigné à la naissance pour les mineurs. C'est à dire, littéralement tout traitements qui pourraient avoir ce type d'effets secondaires. Sachant que l'usage actuel des hormones (en tout cas pour les transitions dans le cadre légal) est de considérer la recherche des effets secondaires de traitements adaptés, à la base, pour des personnes cisgenres, on peut craindre une interdiction de traitement très large pour les mineurs. Les personnes portant ce texte, et le texte précédent, semblent leur vouloir avoir un effet rétroactif, les quelques mineurs sous ALD (vraisemblablement plus de 300 jeunes) devant alors soit abandonner leur transition, soit passer par des voies illégales pour continuer.

-Le texte ajoute une interdiction aux chirurgies de réassignation sexuelles... totalement redondante si on parle bien précisément de ces chirurgies, de par leur lourdeur et de par la considération esthétique de ces opérations par la médecine, elles ne sont actuellement pas ouvertes au mineur. Cependant, il est possible que ce rappel légal veuille frapper les mammectomies/réductions mammaires, tout autant faites (à partir de 16 ans) pour des raisons de transidentité, que pour des jeunes femmes cisgenres ayant une poitrine leur posant des problèmes de santé/les incommodant dans leur vie. Bref, j'ai tendance à croire que ce rappel n'est pas anodin et purement à visée sensationnaliste, et vise à intégrer un nouvel interdit aux mineurs. Enfin, ce texte ne dit rien rapport aux intersexes, mais il y'a peu de doutes que si jamais il est invoqué en faveur de personnes intersexes, qu'il sera modifié extrêmement vite, surtout vue les personnes le défendant (Eustache Brinio,  que est la tête de file de ce texte, a milité ardemment pour que persistent les mutilations sur les enfants intersexes, et le reste de l'équipe dans cette PPL l'a clairement suivie sur ce chemin).

-Une proposition de peine est adressée pour les médecins contrevenant à cette loi (qui se mettrait hors la loi en suivant l'OMS sur le sujet des transidentité chez les mineurs), visant à les sanctionner de 2 ans d'emprisonnement (ce n'est pas précisé si c'est du ferme ou du sursis) et à 30 000 € d'amende. Il n'y a aucun doute que l'ordre des médecins suivra, par des pressions corporatistes, même si la loi ne passe pas. L'ordre des médecins invitant actuellement à ne pas suivre les recommandations actuelles de l'état français par ce même type de pression, cela doit même déjà être en court de route dans cette institution extra-légale.

-Enfin, pour pallier à ça, ce texte propose ni plus ni moins que d'organiser, à l'échelle nationale, une prise en charge psychiatrique pour ces jeunes, avec comme objectif de leur permettre de retrouver un état de bien-être. Sans avoir besoin d'être un·e génie, cette partie du texte (avec son contexte d'énonciation et son corpus) propose ni plus ni moins que d'organiser des thérapie de conversion (dites "exploratoires du genre") pour tout mineur trans se trouvant dans le système de santé français. Ce qui contrevient, bien évidemment, à l'intégralité des recommandations internationales actuelles sur le sujet, qui était (peu ou prou) l'ancienne méthode ayant prouvé ses résultats catastrophiques; et entre très directement en contradiction avec les principes d'autonomie corporelles des enfants face à la santé (qui, croyez-le ou non, c'est défendu par le droit international, et peut être considérable comme une violation directe de ces principes).




    En conclusion, et dernière analyse comme dirait l'autre pédant, ce texte est la porte d'entrée pour la légifération des paniques anti-trans en France. Qu'il passe ou ne passe pas, des heures sombres nous attendent. Il est question ici de remettre en question l'autonomie corporelle et la liberté des enfants. Niant purement et simplement leur libre arbitre, et s'imaginant que les enfant sont des coquilles vides, qui ne pourraient pas avoir de liberté quant aux décisions impliquant leur santé et leur bien-être. Sur le sujet de la transidentité, nous parlons d'ici de quelque chose qui peut-être compris et intégré par des nourrissons (études à l'appui (à noter que j'ai choisi celle-là un peu au pif, mais des études de ce type se retrouvent à la pelle)): ainsi  l'inadéquation au genre assigné à sa naissance peut apparaître extrêmement jeune (notamment entre l'âge de de deux et trois ans, qui semblent être des âges pivot pour une compréhension élargie du genre en tant que norme sociale). Néanmoins, il ne faut pas s'imaginer que cela s'arrêtera là, il faut réellement s'attendre à une déferlante législative transphobe, rien que le rapport sénatorial des LR l'indique très clairement (même s'il ne mentionne que les mineurs, au vue de son sujet de travail déclaré). Ayant, notamment, dans les personnes interrogées, nombres de militants·es d'Ypomoni recommandent l'interdiction des transitions avant 25 ans, puisque c'est l'âge où le cerveau arrête sa croissance (le cisgenrisme à sa raison que la raison ignore); ainsi que Kenneth Zucker, psychologue et sexologue tristement connu et renommé pour avoir comme recommandation et traitement de première intention des thérapies dites exploratrices du genre (qui ne sont ni plus ni moins que des thérapies de conversions menées par des psychiatres/psychologues). Ce rapport recommande aussi la placardisation brutale des élèves transgenres, ainsi que de repousser toutes associations LGBTI+ des milieux scolaires (sauf si elles affichent publiquement une hostilité envers les personnes transgenres), mettre une veille sur les contenus des manuels scolaires en invoquant la neutralité de l'école (le cisgenrisme à sa raison que la raison ignore), veiller à l'assignation de naissance des élèves, et enfin effacer toute notion autre que le fait cisgenre établi dans les documents officiels.

    Il n'y a aucun doute que si les enfants sont attaqués sur leur autonomie corporelle, toute la population sera très bientôt attaquée sur son autonomie corporelle. Et les déclarations d'intention de surveillance des mineurs ne s'arrêteront très clairement pas aux mineurs.

Enfin, pour celles et ceux qui se croient en sécurité parce que cisgenres, je ne saurais dire qu'une chose: Moi aussi j'ai cru être cisgenre, à une époque, de plus en plus lointaine maintenant. Et croyez-moi bien, quand je vous dis que si mon autonomie corporelle est attaquée, alors la votre l'est tout autant. La seule différence entre vous et moi, c'est que l'on m'a mise dans une fiction sociale qui ne me convient plus depuis longtemps, et absolument rien ne vous empêche d'avoir votre réalité s'effondrer sous vos pieds, et de devoir faire face à un monde bien loin de vos considérations actuelles; mais vous semblant d'un coup bien plus réel que la sinistre mascarade dans laquelle cette mouvance fasciste souhaite placer l'ensemble de la population.

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