Sacralise.Stop.Destroy.Stop.Repeat

[Edit: Je commence à voir ce texte faire son petit chemin, donc je rappelle la politique de la maison sur tout ce qu'est droit d'auteurs: Vous en faites ce que vous voulez, la seule chose que je veux c'est être créditée.]

[L’épicène sera utilisé dès que je parlerais de situation précises, pour préserver l’anonymat des personnes. Ce texte est personnel, et je souhaite assumer seule les position que j’aurai ici, et ne pas amener de force quiconque dans mon propos. Les rares noms propres que je vais mettre ici sont des noms publiques connus nationalement parlant. Aussi, j'ai fait le choix de très faiblement sourcer ce texte (je ne donne qu'une source, sur quelque chose concernant une personnalité publique mais qui est peu connu), puisque soit j'y dit des évidences sur le plan journalistique et historique, soit je jette un voile anonymisant sur certains évènements.]


Un nom pompeux, pour un texte pompeux. Mais il faut bien en arriver là.


Alors, que comprendre de l’automédia en direct personnifié sur internet (autrement dit, le stream hors de structures avec des lignes éditoriales), ou tout simplement, que fait-on de ce bousin mal branlé ? Tout d’abord, je dois insister sur le fait que je vais m’intéresser très principalement à la pratique d’animation en live sur internet, non pas que les autres formes d’automédias sur internet ne puissent être assimilables à ces réflexions, mais ce texte n’a pas la prétention de s’étendre au-delà du stream (bref, si vous voulez en faire autre chose, réadaptez-moi ça). Ici, je n’aurais d’autre choix que d’aborder un peu de philosophie, un chouille de réflexion politique et culturelle sur ses 40 dernières années, beaucoup d’histoire de la radio et enfin énormément de prétentions d’analyses politiques quant aux pratiques en stream.



Déjà, pourquoi on allume un micro pour diffuser une partie de notre écran et couramment notre tronche ? Il y a rien de naturel à ça, et d’ailleurs, le gros de l’activité en direct a été de diffuser des jeux-vidéos, pas toujours avec un micro, et encore plus rarement avec une caméra. Ainsi, streamer semble à la base indissociable du speedrun et du powerplay. Pour les gens qui s’y connaissent pas en jeux-vidéo, le speedrun consiste à finir un jeu le plus vite possible ; et le powerplay est une manière particulièrement complexe à réaliser de jouer à un jeu vidéo (ou en tout cas qui montre d’une connaissance très avancé dudit jeu). Petit à petit, la puissance allouable à la pratique de la diffusion en direct, ainsi que la démocratisation du matériel pour, a permis d’arriver à la forme actuelle où, à partir du moment où tu peux te payer un PC qui tient debout, tu peux streamer, et où le publique s’attend à ce que la qualité technique proposée s’approche de plus en plus de standards professionnalisant (néanmoins, je vous le dis encore une fois : Streamez avec du matos crado et un setup immonde des jeux bizarres que tout le monde a oublié, le seul truc capital c’est un son acceptable (genre avec de la bidouille, un micro à 30 balles ça peut passer et roulez jeunesse)).



Pour mon histoire personnelle (puisque je ne peux pas décemment ne pas parler de mon parcours personnel), c’est le powerplay qui m’a donné envie au départ de streamer, à cause d’une fascination absolue pour Slay The Spire (en simple, un jeu de carte contre l’environnement que les game designers nous envoie dans la tête), voyant que le niveau de connaissance et de maîtrise du jeu des quelques français que j’ai vu tomber dans ce même trou de lapin était inférieur au mien j’ai décidé de me lancer. Du coup c’est un peu par cette frustration que je me suis mise à essayer de retourner le jeu en live (bon gré, mal gré, les autres streams francophone sur le jeu ayant clairement rattrapé ce niveau). Et je n’ai pas voulu faire ça par pur powertrip, mais bien plus pour créer un lieu où quelques personnes toutes aussi fascinées que moi pourraient venir partager cette fascination. Et suite à ça, le stream a pris pour moi. J’adorais raconter des trucs dans un micro, j’adorais montrer des jeux qui me plaisaient. Tout d’abord, je voulais streamer des jeux que je maîtrisais plus ou moins, afin d’essayer de montrer des configurations qui nécessite une connaissance avancée sur un jeu, et puis… ben j’ai commencé à me rendre compte que c’était pas si grave que ça d’être nulle en live, que même ça pouvait être très intéressant, ainsi je me suis mise à streamer des jeux qui m’intéressaient, des fois même en découvrir totalement… et puis, aux alentours de 2020, comme beaucoup de monde, enfermée chez moi, j’ai commencé à vouloir parler de politique là dessus. Après avoir essayé par zine (avant le confinement), sur un format un peu mal branlé, et qui demandait beaucoup de travail pour un résultat, entre douteux et mauvais stylistiquement parlant (je suis une merde en mise en page, je n’ai aucune compréhension des arts graphiques), bien qu’intéressant dans sa pratique, j’ai voulu essayer en live. Et c’était… intéressant. Vraiment, j’arrivais avec un gros tas d’information, sur des choses que je connaissais un tant soit peu, je me faisais corriger si je me plantais en direct ; ce qui m’amenait à être bien plus exigeante envers moi-même. Bref, je parlais de choses, politiques, qui me semblaient particulièrement urgentes. Préparant avec patience mes sujets. Cela m’a amenée a de plus en plus de rigueur, puis des rencontres (beaucoup qui ont définitivement changé ma vie), des connaissances (pratiques et théoriques) et le sentiments d’apporter des éléments concrets pour penser le monde aux quelques personnes qui venaient. Et puis…… et puis plus rien. C’est à dire que progressivement, centraliser un stream pour parler de politique, bien que la forme me semble toujours autant adaptée pour, ne m’a plus semblé efficace. Étant habituée à avoir un chat qui essayait de nous faire avancer ensemble sur les thématiques avancées, j’ai fini par le voir de plus en plus amorphe, mis à part pour les personnes plus ou moins experts·es sur les sujets que j’avançais. Donc je ne fais plus ça que de manière très occasionnelle. Et pour cette dégradation en qualité, j’y vois deux raisons :



- Je n’y croyais plus, ce qui rendait le tout bien moins bon, puisque la motivation est absolument nécessaire pour ce type d’activité. 


- Un autre modèle de stream explicitement politique était devenu quasi hégémonique, bien moins préparé, mais extensible à volonté, il ne nécessite pas de connaissances particulières ni de longs travaux préparatoires, mais par contre d’avoir la capacité à toujours s’exprimer à propos de tout. C’est à dire, le react politique.


Qu’est-ce que le react alors ? Et bien, c’est le fait de visionner du contenu (le terme est large à dessein), avec son publique, et de parler dudit contenu. Il n’y a pas la nécessité de connaître le sujet dudit contenu ; et le concept réclame de ne pas connaître ledit contenu. Le contenu, quant à lui est à peu près tout et n’importe quoi que l’on puisse trouver sur internet. Par exemple, un thread (une longue liste de messages sur un réseau social) sur des calculs absurde de consommation calorique d’animaux du voisinage quelque peu pénible ? C’est du contenu. Un documentaire qui a réclamé 8 ans de tournage et 3 ans de post-production ? Du contenu. La vidéo d’une gamine de 5 ans qui joue à la perfection Mégalovania de l’OST d’Undertale au picolo ? Du contenu. Moi qui rote pendant 1 minute sans discontinuer ? Du contenu. Et ça peut même être du react à du react (chose qui peut atteindre de colossales échelles, comme une dizaine de reacts enchâssés, menant ainsi à une véritable pyramide de Ponzi de l’audiovisuelle de contenu aisé à produire). Et bien le react a ceci en commun d’avec (par exemple) l’animation de flux musical. Il faut un certain entraînement à l’animation spontanée pour réussir à transformer ceci en un divertissement intéressant, même s’il prend toutes les allures du divertissement pascalien (concept de philo assez simple qui parle de divertissement pour ne pas se morfondre de sa condition de simple mortels·les (très grossièrement, déso Blaise, je vais pas m’étendre plus que ça)). Et cela peut permettre de vrais moments d’animation, de rires et de bons moments… tant qu’il ne prétend pas être plus complexe qu’il ne peut l’être (puisque sans préparation pour la nécessité du style). En soit, ce n’est qu’un support d’animation assez brut ne réclamant que peu de préparation (ce qui est aussi le cas de streamer un jeu-vidéo, en soit).


Et bien, le react politique consiste à… plus ou moins parler de politique à partir du contenu. Et quand je dis plus ou moins, je serais tentée de dire plutôt moins. Puisque, s’il n’y a pas de préparation, alors on ne peut pas avoir d’analyses poussées. Si on ne peut pas avoir d’analyses poussées, alors qu’a t-il de politique ? Et bien, si la personne connaît le sujet, potentiellement beaucoup d’extensions, potentiellement un approfondissement des thématiques soulevés. Moins que s’il y avait préparation (ne serait-ce que consulter ledit contenu au préalable), mais néanmoins des éléments supplémentaires d’apportés sur le sujet. Néanmoins, même si on connaît ledit sujet (hors expertise comparable au contenu proposé), alors en tant qu’animateur·ice on repose le gros de la vision propagée aux mains du contenu. On dépose notre responsabilité dans les mains de ce contenu. Cela peut paraître d’un rien, mais, si cette source à laquelle on faisait confiance, et qu’on se retrouve désarmé·e en terme de connaissance, se retrouve à se tromper, ou encore pire à littéralement mentir parce que ça servirait ses intérêts, que peut-on faire alors ? Et bien rien. On partage alors les contre-vérités de cette production.




Encore pire, si on se retrouve, avec ce contenu qu’on ne connaît pas auquel on fait confiance, à ne rien connaître au sujet, qu’as t-on alors pour parler politique avec son publique ? Et bien, les fioritures. La stylistique. Les cris de ralliements. Mais sur un quelconque fond, rien. A ma connaissance, il n’existe que deux langages politiques sans fond. La langue de bois, qui est l’art d’éviter la discussion sur un sujet qu’on ne souhaite pas aborder, ainsi on essaie de gagner du temps, pour noyer le poisson en espérant qu’en face on lâche le poisson ; donc littéralement du langage politique esquivant un sujet politique. Et le second langage est une partie notable du langage fasciste, dont le principe est de simplement occuper le terrain et prendre de la place ; multipliant les apparats politiques et donnant des aspects de la profondeur et d’appartenance au groupe auquel on s’adresse ; mais n’abordant à aucun moment une réflexion ou un fond quelconque. Cette langue fasciste, quelque soit le bord politique de l’animateur·ice faisant ce react (ce détail est capital), produit les mêmes effets que le langage fasciste prononcé par un·e fasciste pour le publique. Une perte du jugement critique, une implication radicalement émotionnelle sur des sujets politiques, une confiance de plus en plus aveugle à la personne émettant le discours, l’accentuation d’une volonté guerrière, l’organisation sectaire du groupe, et dans les cas les plus problématiques (mais peu rares) la volonté d’annihilation d’adversaire·s (généralement symbolique et harcelante, mais pouvant donner lieu à des drames et à des violences physiques directes). Après, si je peux vous parler plus personnellement, c’est pas un drame de faire un react se voulant sur un sujet politique où l’on s’aperçoit d’être une bille, ça arrive de se rendre compte qu’on est mal armé·e sur son sujet. Mais là où le problème réside c’est dans la répétition de la brutalité absurde et sans fond. La seule chose que l’on garde alors ne sont que des cris de ralliement, des réflexes sans analyses, un sentiment communautaire sectaire autour d’une personnalité.




Et pour ça, j’ai des exemples extrêmement concrets, qui montre aussi que notre rapport personnel en tant que publique peut aussi être vicié par ce bain culturel. Comme par exemple, j’ai le souvenir sur le stream d’un·e camarade, publiquement anarchiste mais se refusant à faire du contenu politique de premier degré, où iel diffusait une vidéo qui l’avait beaucoup fait·e rire avec de jeunes arabes (à peine la vingtaine) de cité se cassant la gueule sur un tire-fesse et se poilant ensemble. Littéralement, le truc le plus innocent du monde. Et ben là, un·e personne dans le chat sort naturellement « Franchement, ça me met mal à l’aise, le ski c’est bourgeois. » Et là, 5 minutes lunaire, où ma·on camarade explique que c’était des jeunes de cités qui avaient littéralement économisé toute l’année pour se payer une semaine d’occupation, certes bourgeoise, mais bel et bien plaisante ; et que c’était mesquin de considérer comme des bourgeois des jeunes racisés qui en plus n’ont pas des masses de pognon. 5 minutes de non débat, parti d’un pur réflexe identitaire, et du refus du·de la streameur·euse de souscrire à ce cri identitaire gratuit (pour ne pas le voir de nouveau utilisé dans un contexte où il est effectivement violent), tout le monde qui est soit fatigué, soit fâché suite à cette non-discussion absolument lunaire, parti d’un cri identitaire lancé au hasard suit à l’identification d’un élément bourgeois (donc le ski) dans un contexte nié. Un évènement totalement anecdotique, et encouragé sur plusieurs lieux de diffusion pour créer un sentiment de corps ; mais ici totalement découragé et critiqué par connaissance de ses effets pernicieux. Ce réflexe identitaire, qui crée alors une partie de l’identité de l’individu dans le publique, est totalement lié à des réflexes que je n’oserais qualifier de pavloviens, même s’ils ont la même mécanique. Stimuli, élément bourgeois à l’écran sans chercher à avoir plus de contexte (ici, le ski) ; réponse, dire que les occupations bourgeoises c’est de la merde (sentence lancée sans même chercher plus loins), et récompense sur les streams où cette personne fini par penser ce commentaire lancer pavloviennement comme étant une forme de réflexion militante (chose qu’il n’est pas). Le·a streameur·euse répète ce cri identitaire, cet usage appauvri de la langue ressemblant à une démonstration, récompense le publique qui fait de même, et le réflexe fini par envahir d’autres streams qui n’ont pas du tout ces pratiques sémantiques et d’expression politique. Et pour le coup cet évènement de stream est tellement banal, que j’ai hésité à en inscrire nombre d’autres que l’on voit un peu partout et même sur des streams vocalement très critiques de ces pratiques, qui malgré leurs critiques exprimées clairement se retrouvent à partager un publique avec des lieux où ces pratiques sont encouragées. Néanmoins, il n’est pas nécessaire d’alourdir ce texte qui est déjà d’un poids pachydermique avec des tonnes d’exemple.










Pour comprendre comment on en arrive là, il faut comprendre comment se sont construites la société occidentale et sa culture lors des dernières décennies, à l’heure du capitalisme n’ayant plus de critiques autres que théoriques et régionales, à l’heure de la fin de l’histoire décrétée par Francis Fukuyama. On arrive alors à l’émergence du néo-libéralisme et de son imposition en tant que système politique, où la société devient l’ennemi numéro 1 à la liberté ; ou l’individu devient roi parmi les rois, tout puissant dans la théorie ; où les partis sociaux-démocrates n’ont plus de socialiste que le nom, dans leur trahison sur la route pour le pouvoir. Les syndicats trouvent leur pouvoir contestataire grandement réduit, et se retrouvent dans une relative coopération de classe, suivant plus ou moins le modèle Allemand. La contre-culture devient elle-même désabusée et désespérée ; enchaînant ainsi le post-punk, le grunge, le mouvement de rocks dits « indépendants » ayant comme dénominateur commun de dépeindre l’individu comme étant perdu et sans espoir, puis le post-rock et le math-rock abandonnant carrément la parole quand ils ne dépeignent par le monde de cette manière. De son côté, le métal de contre-culture c’est le même tarif, avec des tons introspectifs ; quand la parole parvient à rester. Pour le hip-hop de la contre-culture on voit arriver le courant industriel, qui dans des murs de sons hurle son sentiment de trahison ; et même dans une improbable spécificité française une vague de hip-hop bourgeois que l’on peut qualifier de versaillais (dont les héritiers sont tout les rappeurs blancs désabusés que l’on connaît) clamant leur trahison de classe à la bourgeoisie tout autant qu’au hip-hop lui-même. Sur l’électro, la dubstep met en emphase l’introspection hallucinée, les sons de teufs deviennent de plus en plus hardcore ; la brostep prend mi-cyniquement, mi-involontairement le nom de la dubstep pour parodier cette dernière et l’oublier, s’autoparodiant à l’infini ; et l’hyperpop, qu’on pourrait attendre comme un cri de joie est généralement un long hurlement de douleur extrêmement sucré et acidulé. La cinématographie ? Même tarif. La littérature ? Idem. Le jeux-vidéo ? Encore pire. La presse ? Je n’ai pas de mots assez durs pour. Culturellement, nous sommes dans une grande époque de néo-romantisme populaire. A de pas assez nombreux détails prêts, nous ne parvenons plus à rêver et espérer notre monde. Si on le décrit, nous nous retrouvons à jouer, de déprime, de cynisme, d’ironie, ou à parler une langue fascisante. Une fois finie l’effervescence de l’innovation technique ou artistique, nous nous enfonçons dans un trou culturel sans fond ; ou nous ne parvenons plus à espérer. Et je ne dis pas ça en terme critique, je dis ça en tant que constat. Chaque petits morceaux de droits doivent être défendus avec un acharnement rarement vue. Nous ne parvenons pas à avoir de grandes victoires populaires. Mobiliser une centrale syndicale semble être une mission impossible… et par conséquent, nous ne parvenons plus à espérer en tant que sociétés. L’État occidental ne s’y trompe pas. Il dissout et affaibli de manière continue ses contre-pouvoirs qu’ils soient des outils de contrôles institutionnels, ou issus de la vie publique. La rafflesia fasciste que l’on voit fleurir au grand jour aux Etats-Unis d’Amérique ou en Russie, ne sont que des éléments de la vie politique occidentale qui partagent les exacts même vices. En premier lieu, le fait que le capitalisme incapable de ne pas transformer son capital en actifs morts dans sa course aux chiffres se retrouvant face à un monde matériel et surtout sur une planète finie. Nous n’ouvrons plus de postes de travail, nous créons des emplois ; nous n’augmentons plus la production, on empile la surproduction avec du matériel faillible par design ; nous n’innovons plus, nous créons des débouchés avec des objets dont on se foutait le jour précédent et qui deviendront indispensables demain. Et le partage devient de plus en plus défavorable, menant ainsi à des profits records. La crise systémique devenant alors la source de profit, jusqu’à son effondrement sur elle-même ; alors l’État se retrouve à renflouer ses fossoyeurs privés.

Et l’animation, puisque c’est un travail semi-artistique radicalement implanté dans la société, prend absolument ses atours. Que l’on soit sur internet, sur la radio, ou sur la télévision. Nous avons cette même condamnation radicale à exacerber les produits de la société que nous sommes. Alors, nous nous retrouvons à soit nous entre-parodier, à nous enfoncer dans la déprime, l’ironie, le cynisme, ou à adopter les codes fascistes (si nous n’arrivons pas à nous sortir de ce marasme d’animation, ce qui semblait être l’une des promesses de l’automédia sur internet). Nous voulions faire mieux et autrement, sans nous en donner les moyens critiques nous ne parvenons pas à le faire en tant que corporation (et je ne dis pas ça de manière prétentieuse, ce texte n’est pas le premier texte critique sur ce sujet). Nous sommes un catalyseur de ce spectacle néo-romantique populaire. Ainsi, nous pouvons encore espérer être du côté de l’espoir, de l’expérimental et la création d’un lieu médiatique inédit nous semblant important et galérer en vivant à contre-courant ; ou nous pouvons nous enfoncer dans la déprime, le cynisme, l’auto-parodie ou le fascisme et être rentables… je vous ai dit qu’avant d’être streameuse j’ai essayé d’être animatrice radio et que j’ai plus voulu du tout quand j’ai vu que les pratiques au travail étaient absolument lisses et cyniques ? Bon ben je vous l’ai dit, c’est un petit truc en plus dans notre besace à déprime alors.





Et du coup en parlant de radio, laissez moi vous conter une petite histoire. Avant et puis en pleines années fric. Les radios pirates, libres, la FM, qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Je n’ai pas l’intention de vous faire tout le déroulé, ni d’en faire un historique très exact, mais plus de vous faire comprendre ce qu’étaient ces radios, pourquoi elles sont apparues, ce qu’on y faisait et ce qu’elles sont devenues. Déjà, faire de la radio Pirate est à peu près aussi vieux que la radio. C’est à dire que, sur un plan technique, une radio est vraiment un objet d’une simplicité désarmante, que ça soit pour recevoir ou pour émettre. Il faut une antenne, du matériel analogique à lampe (les énormes machins qu’on peut encore voir dans des musée), puis à partir des années 50/60 avec du matériel électronique basique en utilisant des transistors (divisant la taille des récepteurs et émetteurs radio). En bref, plus l’usage de l’électronique et de la bricole sur ce matériel sont démocratisés ; plus il est facile de faire des émissions radio avec trois fois rien. D’ailleurs, si vous avez entre 50 et 100 balles à balancer, vous pouvez faire avec d’un Rapsberry Pi un émetteur radio (la puissance dudit émetteur ne dépendant que de votre amour de l’illégalité et de la puissance que vous pouvez balancer dedans mais pour du basique c’est juste une tige en métal (et sincèrement, sur un petit bousin qui émet juste à 20/30 mètres vous devriez être tranquilles sur le plan légal)). Voire, si comme moi, donc une pince mais que vous avez de la patience vous pouvez bidouiller un bousin à même pas 20 balles (matériel à soudure premier prix compris) pour en faire un émetteur. La radio, sur le plan technique c’est du basique. Par contre, sur le plan historique et légal, là c’est le bordel (donc vous m’excuserez si je ne m’intéresse qu’au cas français).


[Attention, paragraphe d’énorme Nerd de la radio, vous pouvez le passer si cette nerderie ne vous intéresse pas.] D’abord sur la technique, une histoire un peu générale et mal foutue de la radiodiffusion : La radiodiffusion apparaît entre la fin du 19ème et le début 20ème siècle. Sur le plan technique, on émet sur des ondes lumière (et oui) qu’on appelle radio (d’où le nom de la Radiodiffusion (ou c’est l’inverse, je suis pas certaine de l’éponymie)), via notre antenne et un système qui retranscrit le tout sur ces ondes radio ; à un autre appareil qui lui reçoit les ondes et les réinterprète en son. La technologie intéresse d’abord les armées qui, grâce à ça peuvent envoyer des informations à très longue distance (potentiellement toute la terre si on prend en compte les conditions atmosphériques et qu’on diffuse sur onde courtes). Et très logiquement, le système s’utilise progressivement pour proposer des émissions publiques avec des organes généralement nationaux pour diffuser des émissions. A ce moment, faire des émissions de radio réclame un matériel imposant et entièrement analogique puisque nous n’avons pas encore inventé le transistor ni les bases de la micro-électroniques. Par contre essayer de capter à peu près toutes les radios qui arrivent à notre poste peut s’ouvrir à toutes les âmes bricoleuses, puisque la radio s’émet et se reçoit grâce à un système de condensateur à réglage variable (si tu sais, la molette là où ça fait « crouchcrouch » entre les stations quand tu la tourne) ; qui permet donc de placer le signal là où on l’écoute et là où on l’envoie (si j’envoie un machin à 13 mégahertz depuis ma piaule, on le recevra dans mon immeuble que si on met ses radios à écouter le 13 mégahertz, sauf que comme ça je me retrouve à brouiller dans la zone une émission éthiopienne, vue que j’ai pas vérifié si ces ondes courtes étaient occupées et que localement mon signal est plus puissant (c’est ce qu’on appelle un Hijack (et ici involontaire))). Étant donné sa portée colossale, et son accès simple on découpe alors les fréquences utilisables pour les radiodiffusions ; afin que personne n’empiète sur les émissions d’autrui (du coup toutes mes excuses à cette émission éthiopienne, promis, je ferais gaffe la prochaine fois). Une partie aux radios associatives/commerciales/d’état ; le reste aux usages de communication d’urgence et militaires. En expérimentant avec ce nouveau jouet l’humanité se rend compte que certaines fréquences vont bien moins loin que d’autres, mais permettent une réception de bien meilleure qualité ; et c’est dans les années 30 qu’on découvre et commence à utiliser les ondes à modulation de fréquence ou bande FM (qu’on émet entre 89 et 103 mégahertz grosso merdo). Étant donné la faible portée cela est très avantageux pour des usages locaux (par exemple ma fréquence depuis ma piaule sur le 89.6 FM n’emmerde pas une radio internationale d’Éthiopie) mais fait que ces mêmes usages locaux peuvent devenir saturés (puisque bien plus restreints en terme de place). Le système se démocratise dès les années 50/60. Avec des postes radios qui peuvent recevoir à la fois les ondes à modulation d’amplitudes (ou bande AM ; qui peuvent voyager sur des centaines de kilomètres mais de moindre qualité) et les ondes à modulation de fréquence (ou bande FM ; qui ne parvient pas à dépasser les dizaines de kilomètres à la ronde). Dans les deux cas, la technologie se miniaturise, se simplifie et son coût se divise. On parle, en 1980, de matériel de diffusion pour une radio pirate coûtant 1000 francs (un petit demi-smic), et des récepteur pouvant coûter moins de 200 francs à la même époque. Et enfin, on en arrive à aujourd’hui, où depuis les années 2014 (en France, hein, d’autres s’y sont mis bien avant) on est passé au fossoyeur des radios libres avec la Radio Numérique Terrestre. On n’envoie plus sur les même fréquences, mais on envoie surtout des données numériques, qui permettent alors de podcaster nos émissions sur les récepteurs radio. Cette technologie permet d’avoir plus de radio sur la bande, permet de diffuser partout dans le monde (mais de n’être réceptionner que localement parce que pourquoi pas), puisqu’elle les délimite mieux les fréquences que la FM elle offre une meilleure qualité d’écoute ; mais elle demande aussi de passer par un un système centralisateur (là ça devient technique-chiant je vous épargne ça) ; ce qui fait qu’on ne peut plus utiliser des antennes de craspouille pour diffuser sur ces ondes ; et si on ne reçoit pas parfaitement ces ondes on les reçoit pas du tout. Et, pour couronner le tout, ça consomme bien plus de composants, d’énergie à diffuser comme à recevoir et réclame deux fois plus d’émetteurs que ce qu’on a déjà pour la FM (je crois que vous aurez deviné, c’est pas une technologie que j’apprécie).


Bon, après ce paragraphe historique technique presque gratuit (bon pas tant que ça, j’aime placer autant de contexte que possible si je le peux) on en arrive à pourquoi la radio pirate, pourquoi la radio libre, et qu’est-ce que c’est que cette histoire. En France, l’état avait un monopole sur la radio et la télévision (la technologie apparaît un peu plus tard mais c’est le monopole d’office) après la seconde guerre mondiale ; et interdisait toutes diffusions radio et télévision autres sur son territoire. Pour ce qui est de la télévision ; c’est le machin assez difficile à produire et à diffuser (avant internet) par excellence, donc les initiatives pirates ne sont pas particulièrement nombreuses. Pour ce qui est des radios, c’est plus compliqué que ça. C’est à dire que, même si la bande FM est de meilleure qualité, elle n’est exploitée que par la radio nationale… sauf que si on place ses récepteurs à l’international et qu’on diffuse sur la bande AM, et bien on peut diffuser en France (et même si ça nécessite bien plus de moyens à faire que la FM, cela à permis à RTL, à Europe 1, à Sud radio et à RMC de diffuser (le tout en étant quand même contrôlées par l’état français)). Et il suffit d’un trou dans la loi Italienne qui commence à être exploité dans les années 70 pour que les radios pirates/radios libres apparaissent un peu partout en Europe occidentale sur la bande FM (je résume à balle là). Donc, fin des années 70 en France, on a, même si elles sont combattues par l’état, des radios simples à créer, en local ; avec du matos simple à attraper. En bref, l’état est totalement dépassé par ce déferlement de stations de radio, son monopole n’est plus, de faits ; et il ne parvient pas à limiter ces radios d’une quelconque manière. C’est à ce moment où l’on voit apparaître pleins de radios qu’on a encore de nos jours, comme Radio Canut ou les locales de Radio Campus (qui diffusait déjà depuis 69 à Paris). Cela devient un sujet politique de premier ordre et même une des promesses de campagne de François Mitterrand (qui a même participé à la radio pirate du Parti Socialiste en 81). A son élection, le nombre de radios pirates explosent, et c’est à ce moment là où l’on voit apparaître les grandes radios FM que l’on connaît aujourd’hui comme RFM, Skyrock (sous le nom de Radio Cité Futur, puis La Voix du Lézard (une radio qui parle loisir et tourisme et qui a pas mal changé depuis)), FG (Fréquence Gaie à l’époque, une radio Gay comme son nom l’indique (oui aujourd’hui c’est que de la zick)), Radio Nova (déjà égale à elle-même pour le coup) et NRJ (on va revenir sur cette charogne de NRJ, croyez-moi bien). Pourtant, en 81, malgré les promesses de campagne, les radios sont encore pirates même si très relativement tolérées (comprendre ici : Les trop cradingues et libertaires peuvent voire les keufs se pointer pour prendre le matos) et ce jusqu’en Novembre qui les rendent légales si Associatives (en gros, pour le moment, une dérogation au monopole d’état). Dans l’été 82, l’Autorité de la Communication Audiovisuelle est créée sur demande de ces radios pour délivrer les ondes autorisés pour diffuser (puisqu’auparavant elles s’empiétaient les unes sur les autres et seules celles qui pouvaient utiliser des antennes puissantes parvenaient à être vraiment entendues) et on leur demande de fusionner entre elles si elles souhaitent encore diffuser. Bon, elles n’ont pas le droit de diffuser de publicités et galèrent sur leur modèle économique ; mais ça n’empêche pas de nombreuses de ces radios « « associatives » » de diffuser des publicités (au point où les animateurs·ices de NRJ ont fait grève durant cette période pour recevoir un salaire). Du coup suite à ça, on en est à une situation où la puissance de diffusion est encore un problème (malgré les régulations qui étaient demandées par ces radios), puisqu’elles ne sont pas autorisées à avoir des filiales locales (l’idée légale de base était de faire de petites radios associatives, pour le rappel (il se trouve que malgré les plus grosses ont déjà de filiales)). En Décembre 1984, 5 de ces radios (NRJ, Radio Libertaire, la Voix du Lézard (bientôt Skyrock), 95.2 (radio assos maintenant, genre j’crois que c’est plus ou moins Ici Et Maintenant sur Paname mais c’est le bordel), Radio Solidarité (une radio facho qui fusionnera avec Radio Courtoisie) et TSF 93 (à l’époque une radio du parti socialiste et du parti communiste, mais aujourd’hui TSF Jazz (pas de lien avec la radio lyonnaise Jazz Radio, mais par contre elle est dans le groupe Nova))) prennent une interdiction de diffusion entre deux semaines et un mois. Avec l’agence publicitaire Bonneville Orlandini NRJ organise une manifestation. 40 000 selon les keufs, 200 000 selon NRJ, le coup de com’ est sensationnaliste ; néanmoins cela fait plier le pouvoir ; ces radios n’ont plus à être associatives elles peuvent devenir des entreprises privées. Plus précisément elles doivent faire le choix entre radio privées et associatives. Après ça, c’est une histoire incroyablement chiante avec des histoires de rachat pour chopper des antennes partout en France ; d’un coup la liberté d’expression à la radio se transforme en libéralisation de la radio et s’impose partout le modèle NRJ (puisqu’elle est celle qui s’est agrandie de la manière la plus rapide, agressive et à s’être constituée très vite en gros groupe médiatique). L’autorité de régulation fait la part belle aux radios privées rapport aux associatives, et même aujourd’hui est un problème pour les radio associatives puisque l’autorité ne respecte pas ses propres règles pour donner des fréquences FM et DAB+.


DONC NRJ. L’acteur le plus important dans toute notre histoire, appartient et a été financée par Jean-Paul Bauttecroux, népobaby de Paul Baudecroux qui s’est fait une fortune dans les cosmétiques. Ledit JP se casse quelques années aux États-Unis d’Amérique pour être commercial dans les cosmétiques, revient en France au début des années 70 pour faire une boîte d’annuaire de restos par téléphone, et il voit toutes ces histoires de radio libre se faire. En sachant qu’il avait des contacts américains, ainsi qu’un peu d’habitude de la radio américaine qui était libérale et commerciale de longue date ; il fonde ce qui est initialement prévu pour être FM Femme (donc une radio féminine, sans doute un « Elle » mais en radio), la radio est nommée NRJ en tant que Radio Jeune (d’où le nom, pour faire l’acronyme Nouvelle Radio Jeune (mais en vrai c’était plus pour faire un jeu de mot)). Max Guazzini, avocat de formation et chanteur raté, est le secrétaire général de la radio ; mais il a aussi des contacts du côté du showbizzzzzhan et au parti socialiste alors au pouvoir (assurant ainsi une forte tranquillité pour la radio qui diffuse de la pub clandestinement (au point où les animateurs·ices font grève pour être payés·es je le rappelle)). Dans l’année 84, la radio intensifie sa stratégie musicale basée sur encore moins de blablas et encore plus de tubes ; en limitant littéralement le temps de paroles des animateurs·ices et en rappelant agressivement le nom de la radio (cette stratégie sera poussé à l’extrême dans les années 2000 où il sera demandé de rappeler trois fois le nom de NRJ dans des speaks de 10 secondes pour les animateurs·ices de flux musical). Et suite à la libéralisation de fin 84, la radio va se diffuser partout en France créant des succursales (Chérie FM, Rire et Chansons, Nostalgie ou le même type de stratégie est imposé) rachetant des radios locales pour leurs antennes (comme toutes les radios commerciales, hein) ; etc etc etc. Wesh j’vais pas vous faire toute l’histoire du bousin, c’est une merde cotée en bourse avec une vingtaine de succursale à l’internationale et des chaînes télés de merde (qui se sont totalement plantées), juste une histoire basique de ses débuts suffira amplement pour nos besoins.

Par contre, NRJ, c’est aussi un modèle d’exploitation, très efficace ; mais surtout très destructeur. Et ça, c’est le moment où le fait d’avoir fait des études de merde au début des années 2010 (ce qui me rajeuni pas) pour être animatrice radio va m’être util. Certaines des informations que j’ai, je ne pourrais pas les appuyer et devrait les mettre au conditionnel pour des raisons légales (oui), puisque c’est « le genre de trucs qu’on se dit en interne mais qu’on fait pas sortir publiquement pour pas niquer sa carrière » (mais bon, étant donné le fait que j’ai pas de carrière là dedans, qu’est-ce que vous voulez que je m’en foute, d’ailleurs, je doute d’être la seule à en avoir parlé sur les internets). Par exemple, quand j’étais en étude, on entendait parler du fait qu’un tiers de l’effectif de NRJ seraient des stagiaire. Que ces derniers·ières travailleraient gratuitement plus de 35 heures par semaine (j’avais une camarade de classe qui y aurait été et aurait compté plus de 40 heures par semaines (en plus des cours)). Certaines émissions, les profs nous auraient dit de pas y foutre les pieds, comme par exemple la nocturne de Guillaume Pley, en nous expliquant entre autres qu’il aurait eu trois auteurs stagiaires qu’il ne payerait ni en salaire ni en droits d’auteur (empochant donc tout ça) (bon après le gars il avait deux animateurs professionnels avec lui qu’il appelait les « Stagiaires » à l’antenne, ça donne un ton). Alors on nous a pas dit quoi que ce soit à propos de Cauet (en même temps à l’époque, le type était tout puissant sur NRJ, la seule personne qui semblait lui faire peur était ledit Guillaume Pley puisqu’il semblait faire de plus grosses audiences encore mais son émission n’étant pas mesurée par Médiamétrie personne ne pouvait vraiment savoir) ; néanmoins il s’est fait virer de NRJ après 5 plaintes pour viole, dont une pour viole sur mineure, (et une qui s’est transformée en procès pour diffamation qu’il a gagné donc je ne dirais pas ce que j’en pense, mais il reste encore 4 plaintes en cours d’instruction). Malgré ça, il récupère un créneau sur Europe 2 2 ans plus tard, j’imagine que c’est encore un coup du complot des carrières brisées de cézomesconnus. Mais par contre celui contre lequel on nous aurait mis en garde est Manu Levy, que l’on nous aurait décrit comme étant un tyran qui aurait appris ses méthodes d’employeur brutal aux côtés de Nagui. Il se trouve que ce premier est assigné aux prud’hommes pour harcèlement moral et que ce dernier le soutien pleinement face à ce complot contre cézomesconnus dont on assassine les carrières. Et si vous vous posez la question, la plupart des radios privées ont ce type de fonctionnement brutaux ; qui font faire des turnovers assez énormes (par exemple Europe 1 quand j’étais en étude c’était une moyenne d’âge de 25 ans (on nous le vendait comme une radio jeune pour qu’on aille taffer dedans, je l’ai pas entendu comme ça, étrangement)). De toutes façons, elles ont quelques stars qui amènent leur audience, le reste est de la chaire à micro parfaitement remplaçable. Pour ce qui est du secteur publique, il se trouve qu’il y a une forte syndicalisation chez les techniciens·iennes qui font que les conditions de travail y sont juste mauvaises et pas parfaitement ignobles.


Alors super, c’est génial, mais là ça fait beaucoup de texte à nous parler de radio, alors qu’à la base on parlait de Twitch, alors c’est quoi l’idée ? Et ben l’idée, par une allégorie historique (qui pour le coup est peu ou prou ce qu’il s’est passé), c’est de vous montrer ce qu’il est possible d’accepter pour l’antenne. C’est à dire que beaucoup de choses, sont considérées comme étant acceptables, tolérables, et ceci d’une intensité endémique dans les coulisses médiatiques. Il n’y a pas de mystères en fait à tout ça, en tant qu’animateurs·ices on éponge les vices de nos sociétés, on les reproduit, on en devient des égéries et modèles. Ainsi aucuns mystères quant aux violences au travail, aucuns mystères quant à l’exploitation, aucuns mystères quant aux dérives anti-journalistiques du système médiatique entourant les personnalités (vous savez, les journaux People là). On est dans un système qui fait tout pour nous sacraliser, pour nous détruire et pour répéter ça. Et d’ailleurs, tout ce qu’on fait pour avoir de l’audience et rendre rentable le fait qu’on a cet audience n’est pas particulièrement désiré par ladite audience. Par exemple, quand je vous parlais des animateurs·ices de flux musical qui doivent répéter à la nausée qu’on est sur NRJ, et bien personne a envie qu’on les matraque, mais si on fait ça, c’est pour que les gens disent sur le sondage qu’iels écoutent NRJ. Imaginez ce type de méthode agressive alors pour tout. Avec un langage appauvri (pour ne pas perdre de temps à expliquer quoi que ce soit), une tonalité optimisée pour rendre tout ça le plus marquant et rentable possible, des sujets restreints (puisqu’il ne s’agirait pas de prendre le temps d’apprendre des choses dont le publique risquerait de se foutre). Tiens, quand même, petite perle supplémentaire. Premier cours de journalisme, on m’apprend alors que Jean-Pierre Pernaut est ce qu’on doit souhaiter apprendre à devenir ; puisqu’il est emblématique du slogan « Concis, Précis et Sexy » dans son animation de journal. Alors, ça nous a fait bidonner sur le coup, mais plus j’y réfléchis, et plus ça me hante. Donc le journalisme à la télé, c’est ne pas expliquer (concis), ne pas s’étendre sur du contexte sauf si c’est indispensable (précis) et faire de l’information un évènement du spectacle (sexy). Entre ça et les poncifs à la con comme « On ne parle pas des trains qui arrivent à l’heure » alors on n’a pas à s’étonner du fait que l’on trouve des connards devant des portes fermées sur toutes les chaînes d’information continue (plus précisément, des chaînes d’infotainements). Mais tout ça voyez-vous, c’est pour le publique qu’on le fait, parce qu’on sait qu’il aime ça, ce con de publique. Entre les techniques de conditionnement psycho-cognitives, et s’assurer qu’on n’apprenne rien de neuf au publique pour pas qu’il décroche de quoi que ce soit. Parce que oui, on n’est pas là pour vous élever. On est là pour vous offrir du pur divertissement pascalien. Ça ne vous offre rien, mais vous êtes là. Et dans ce divertissement, on veillera à ne pas vous présenter de nouveauté. C’est risqué ça les nouveautés, vous pourriez ne pas apprécier, non, on fait ce qu’on sait que vous aimez déjà. Et si jamais vous croyez voir une nouveauté, vous pouvez parier qu’elle prend un concept qui a été expérimenté ailleurs, dérivé d’un autre concept, dérivé d’un autre concept, dérivé d’un autre concept, mais dans votre contexte c’est une nouveauté. Bref, l’animation, quand on l’optimise à tout prix pour avoir un publique fait de vous non pas des personnes complexes à qui on s’adresse de manière horizontale ; mais des parts de marché qu’on doit conquérir. Ceci, voyez vous, c’est la part de professionnalisation vers laquelle on tend sur les automédias comme le streaming. Pas la part de professionnalisation où l’on doit éviter de vous dire des mensonges, où l’on espère vous voir grandi·e quand le live s’arrête, ou tout simplement juste que vous ayez passé un bon moment. Non, ça c’est pas rentable. On doit vous retenir, et faire en sorte que vous balanciez du fric dans notre chapeau. Qu’importe que nous utilisions des méthodes déloyales, nocives et brutales envers vous. Même, ça, c’est très pro, que d’accepter de faire ça, puisque notre but est d’augmenter l’audimat (à ce qu’il paraît).


Mais est-ce le cas, est-ce notre but à nous streamers·euses ? Même si cette question devient brûlante, il faut savoir un peu qui stream. Même si c’est un peu tout le monde, c’est généralement les mêmes personnes qui regardent des streams. Alors je vais me baser sur Twitch, puisque sur un plan concret, la plateforme a un monopole. Ses deux principaux concurrents étant Youtube (qui a un système de chat minable, limitant grandement l’intérêt d’en avoir un), Kick (qui est là où vont les gens s’étant faits·es ban de twitch et les scam de casino en ligne, présentant alors un intérêt restreint si notre activité ne repose pas sur ces arnaques). On peut noter aussi des alternatives comme Framatube (qui bien que reposant sur un système bien plus responsable sur le plan éthique et écologique souffre du problème que si peu de monde l’utiliser, alors il marche obligatoirement mal (le drame des petits streams en Peer-To-Peer)) ou comme Dlive (qui est là où vont les gens qui veulent s’assurer autant d’impunité que leur permet l’espoir (très concret) de se faire assez discret aux yeux de la loi ; le site héberge des blindes de bots pour augmenter artificiellement les audiences et n’a pas de systèmes de modération général à proprement parler). En bref, si on souhaite streamer avec confort et une certaine régularité, on n’a pas de choix réel. Un acteur est en situation de monopole, le reste se partageant des miettes d’audience.

En terme de population, on est majoritairement des trentenaires ; avec une part notable de plus jeunes et une faible population dépassant les 45 ans. En terme genré, une nette majorité masculine, principalement blanche (en tout cas à streamer, puisque le publique est à peu près autant féminin que masculin et on retrouve un peu tout le monde dans les chats (même si c’est souvent bien blanc)). Rien d’étonnant ou de neuf. Aussi, petite donnée qui a son importance : 95 % des personnes qui streament, ont entre 0 et 3 personnes sur leur stream. C’est à dire que le gros des streams sont des streams personnels, un moyen de communication certes publique et pensé en tant que chaîne par les plate-formes, mais surtout une forme de communication personnelle plus semblable à un coup de téléphone élaboré qu’à une forme d’émission. Que ça soit les personnes qui commencent et qui ont peu de publique, ou les personnes qui ne le font que pour montrer telle ou telle chose à leurs proches. 99 % des personnes qui streament ont moins de 10 personnes en moyenne sur leur stream. Ce qui revient alors à une forme d’émission assez intime. Et dans ce dernier pourcent, on peut estimer qu’un dixième peut l’envisager comme moyen de gagner sa vie, ne serait-ce que pour un complément de revenu substantiel (puisqu’il faut régularité et publique pour ça). En soit, une démographie très ténue. Néanmoins, ce n’est pas de cette partie très écoutée du stream dont vient le gros des pensées critiques ; de par la complexité de s’y établir concrètement et de par les nécessaires interconnexions pour y réussir, mais bel et bien de ces 4/5 % de personnes ne pouvant pas (ou ne voulant pas) en vivre mais ayant une connaissance du médium. Une critique interne est bien plus complexe à tenir quand notre moyen de subsistance vient d’un travail, très précaire par nature, ainsi que de ses amitiés dans le milieu. Il est difficile de balancer les mauvaises pratiques de ses collègues si ce n’est pas accepté de base, puisque ces revenus sont directement lié au fait que les collègues vous considèrent comme étant fréquentable. En bref, sans règles éthiques tacites, alors tout est bon tant que ça ramène du publique, qu’on reste corporatiste dans ses attaques interpersonnelles ; et qu’on ne songe pas alors à penser et à politiser notre travail et nos méthodes. Littéralement le drame dont crève la radio, qui fait progressivement crever le streaming. Ainsi, très principalement les personnes avec une audience relativement basse peuvent s’exprimer librement sur le sujet sans craindre ces répercussions, puisqu’elle ne vivent pas du streaming, tout en connaissant les coulisses et la pratique. Et, en vrai, ce sont d’autres répercussions qui sont à attendre, celles du harcèlement.

Puisque le corporatisme a failli à faire se taire ces rares voix discordantes ; alors il faut trouver un moyen de les écraser. Et quoi de mieux que des streams « Droit de réponse » ; où les cibles sont descendues. Ou tout est trouvé, contextualisé selon nos intérêts, et utilisé à notre faveur. Où l’on contrôle le narratif (puisque nous émettons ledit stream « droit de réponse »). Nous pourrons bien rappeler au publique de ne pas aller harceler qui que ce soit, mais en offrant les cibles, et en expliquant à notre avantage pourquoi cette vindicte ; alors il est très difficile de ne pas souhaiter aller défendre cet·tes animateur·ice qui semble blanc·he tel·le la neige subissant des attaques injustes pour le publique. Je ne charge même pas le tout d’interprétation et de réflexion métas, tout les formats de ce type ne peuvent que se finir comme ça, puisqu’on est tenu·e de tenir notre antenne, on ne peut pas être faillible dans ces histoires quand on les présente ; mécaniquement, même si on souhaite présenter autant d’éléments que possible. De plus cela peut entraîner une série de streams droits de réponse, avec la réponse de la réponse à la réponse de la réponse ; ce qu’une âme malicieuse pourra repérer que c’est exactement le même type de phénomène que le react. Puisqu’il est évident qu’après une attaque aussi peu digne, que les personnes nous ayant critiqué·e et se voyant diffamés·es en direct ne peuvent que vouloir réagir vivement. Et donc, potentiellement, lancer des streams de ce type ; ou plus simplement et dignement de longs textes sur ce sujet. Ainsi, nous arrivons à un sinistre pugilat, où le publique comme arbitre ne peut que compter grossièrement les points, ne pouvant que voir les différences et les disparités dans les discours après plusieurs dizaines d’heures de consultation de productions diverses sur le non-sujet. Puisque même si le problème relevé de base sur ce qu’il se passe à l’antenne est purement politique, il devient alors purement interpersonnel passé dans la moulinette du stream droit de réponse.


Néanmoins, même si c’est pas rentable financièrement parlant, on peut faire le choix de la dignité et de souhaiter mieux à tout le monde. C’est à dire le choix de s’attaquer aux pratiques publiques dangereuses et de dénoncer ces pratiques d’animation brutales. Comme les streams tier-lists de semi-personnalités du milieu, qui ne sont que l’étalage de « qui c’est que c’est mes potes et qui c’est que c’est que c’est pas mes potes ». Comme les pratiques sectaires en stream ; où l’on crée une unité artificielle, donnant des privilèges aux personnes montrant suffisamment de fidélité ; mais châtiant les membres se comportant mal ; mais en ne les bannissant surtout pas du chat, il s’agirait de pouvoir montrer l’exemple du manant, le bannissement ne pouvant être réservé qu’aux incrédules de notre stream. Comme les conduites abusives, envers son publique et d’autres streamers·euses, profitant de sa position de puissance (généralement son audience, mais des fois aussi une sinistre histoire d’échiquier interpersonnel). Comme les structuration pseudo-horizontale d’une animation de ce qui ne peut qu’être vertical ; puisque là est le drame d’animer un live, nous en avons l’entière responsabilité et ne pouvons donc pas nous dérober au travers d’une pseudo-démocratie entre animateurs·ices et publique (problématique sur la forme même de faire un live, quiconque essaie de vous faire croire que son live est démocratique ne pourrait que soit se fourvoyer, soit vous mentir sciemment). Comme la structuration verticale de structures pouvant elles être très horizontales ; comme certaines structures liées au streaming et/ou associations caritatives, pouvant totalement se passer des contraintes formelles d’un live mais ne prenant pas cette forme pour le profit des personnes étant à leur tête (ne serait-ce que pour le capital symbolique que cela peut rapporter, ce capital nous tombant directement dans les poches à la fin du mois). On peut aussi penser au fait de passer du contenu de react politique dans la simple idée de dire à quel point c’est mauvais tout en sachant très bien que ça l’est ; non pas pour établir un discours quelconque ou chercher à comprendre des mécaniques ; mais bel et bien pour nous valoriser sur ce qu’on juge comme étant de piètre qualité politique. Voire même des personnes balançant des horreurs racistes ou lgbtiphobe « pour la vanne ». Perpétuer des discours de violences envers les minorités qui nous dérangent personnellement. Et puisqu’il faut bien le dire, oui, vos streamers « de gauche » voire « anarchistes » n’ont pas beaucoup de remords à tenir ce genre de discours à l’antenne, si ça peut augmenter le sentiment d’appartenance du publique ; ou attirer la sympathie d’un·e collègue. Et là, je ne parle pas de question d’angle mort, même grossier. Non je parle de balancer des horreurs purement et simplement discriminantes pour s’attirer des sympathies, de l’audience et du buzz.




[Ce que je vais énumérer à présent est volontairement vague, si vous ne voyez pas de quelles histoires précises je parle, c’est que vous ne les connaissez pas. Et je ne compte vous les raconter, ne souhaitant pas transformer tout ça en minable pugilat, ici ce n’est présenté que comme des exemples que j’ai pu voir le long de ces années à côtoyer ce milieu. Aussi, je n’afficherai que des histoires venant de lieu avec une audience relativement conséquente et se présentant à gauche de l’échiquier politique.] Voyez la simplicité avec laquelle il est possible de balancer une horreur antisémite pour plaire à ce·tte collègue publiquement antisémite, mais néanmoins accepté·e dans une partie du streaming « de gauche ». Voyez comment il est simple de transformer des critiques quant aux horreurs dites « pour la blague » en stream, en attaque transphobe (en s’attaquant soi-même quasi exclusivement qu’à des personnes transféminines dans son stream). Voyez comme il est aisé de consacrer plusieurs heures à humilier publiquement d’anciens·nes modérateurs·ices dénonçant un fonctionnement sectaire dans la tenue de nos streams. Voyez comme il est facile de monter sa boutique uniquement comme se présentant de la gauche contre « la cancel culture » puis contre « les pipoux safes » (le terme « woke » étant encore trop connoté fasciste pour pouvoir l’utiliser de la sorte). Voyez comme il est aisé de présenter des intellectuels·les fascisants·es, voire fascistes, comme étant libérateurs·ices et émetteurs·ices d’une vérité novatrice sur les idéaux progressistes ; mais surtout amenant le publique dans un grand bain confusionniste tout en faisant augmenter son audimat dans la polémique. Voyez comment on peut remettre au goût du jour l’Übermensche et maquillant le tout en développement personnel et l’entourant de selfcare. Voyez comment il est aisé de faire passer les violences sexuelles pour la norme en prétextant un live libéré sur la sexualité. Voyez comment il est aisé d’antagoniser toute l’extrême-gauche critique en les catégorisant de « canceleurs·euses » quand iels viennent avec des éléments très concrets ; et de présenter cette extrême-gauche critique comme des bourgeois·es rétrogrades. Voyez comme il est aisé de faire passer autrui pour les voix de l’ostracisation, quand les critiques viennent sur des pratiques Ur-Fascistes au sens le plus vulgaire et Eco-lié.






Et bon, là c’est le moment où je pourrais balancer pleins de noms, et où je suis même tentée de le faire. Parce qu’en vrai, ce discours là, je le tiens depuis longtemps, nombre de mes collègues le tiennent depuis tout aussi longtemps, parce qu’on ne souhaite pas proposer des lives sectaires, mesquins et brutaux à nos prochains·es ; mais malgré notre vocalité sur le sujet les choses s’empirent. Sincèrement, si vous avez pas de noms en tête à ce moment et que vous traînez intensément dans des lives sur internet ; je vous en prie, posez-vous la question de si vous êtes pas en train de vous faire entraîner dans une relation sectaire.




La seule question à laquelle je voudrais répondre à présent, c’est pourquoi prend-on le micro pour faire des lives ? Cette question je l’ai posée à quelques collègues. Publiquement, ou en privé. Et puisque je ne souhaite pas leur faire endosser le reste de ce texte, dont l’écriture m’appartient intellectuellement parlant (même si je vous autorise à en faire absolument ce que vous en voulez de votre côté), je vais me contenter de paraphraser les idées que j’ai beaucoup lu en réponse à cette question. Aussi, il faut avoir en tête que les personnes qui me répondent ont, très généralement, des sensibilités anticapitalistes (et ce, bien plus de manière pratique que de manière très vocalement exprimées) ; parce que c’est des gens, soit avec qui je m’entends bien personnellement, soit qui ont un accès à moi. Et comptant le fait que j’ai pas une audience stratosphérique, on peut partir du principe qu’idéologiquement on a tous·tes ce genre de points communs. Donc ouais, c’est giga situé, mais je vais pas non plus faire une enquête sociologique là dessus, parce que je suis pas sociologue. Je suis juste une intellectuelle de chie en slobard dans ma piaule. Malgré tout, j’ai pu demander à des gens qui streament très occasionnellement, des gens qui streament assez souvent mais avec de plutôt petites audiences, des gens qui streament surtout du jeu-vidéo, des gens qui streament surtout du contenu politique, des gens qui streament professionnellement. Bref, j’ai eu de tout les profils pour me répondre (mis à part idéologiquement où l’on est généralement proches).

Déjà, qui revient pas mal, l’idée de s’attaquer à la solitude. Que cela soit la sienne ou celle que l’on présume d’autrui. L’idée de faire un moment regroupé. Aussi la volonté de partager. Que cela soit des idéaux politiques ; mais aussi des connaissances situées (de spécialiste, ou de vécu) ; et des œuvres culturelles, généralement des jeux vidéos peu connus, mais aussi d’autres connus et très communautaires ; mais ils ne sont pas seuls dans ce que les répondants·es souhaitent exposer culturellement parlant (on peut parler de pleins de formes d’expressions culturelles sur cette plateforme, même si elle est pensée pour le jeu-vidéo à la base). On a aussi de partagé une recherche sur le format, voire même des questions quant à sa place rapport au publique (« ne serait-on pas en train de contrôler un groupe malgré nous ? » qui est un questionnement qui revient très souvent). Bon c’est large, hein, mais en vrai, je vois pas beaucoup d’autres raisons, et questions qui viennent automatiquement avec la pratique du streaming. Au final, la question ressemble à quelque chose de presque rhétorique vue comme ça, mais en vrai, je ne m’attendais pas à cette homogénéité. Donc je pars du principe qu’à partir du moment où l’on a des idéaux émancipateurs, c’est quelque chose d’assez évident qu’on aie ce types de vécu avec cette forme d’expression. Je me plante sans doute et si ça se trouve la raison pour lesquelles on stream c’est juste parce qu’on pense qu’on a une voix qui doit être absolument entendue au dessus de la foule ; mais j’avoue espérer que mes collègues ne sauraient être aussi minables dans leurs motivations.

Enfin, je n’ai qu’une chose à dire aux spectateurs·ices, et une autre aux animateurs·ices qui liraient ce texte. Cher publique, structurellement, on ne vous veut pas du bien. Structurellement, on veut votre sidération. Évidemment, on est certains·es à ne pas vouloir ce que la structure veut de vous, mais nombres de streamers·euses ne se posent pas ce type de questions ; et si vous avez le sentiment d’être traité comme du bétail à audience, c’est que ce lieu ne mérite pas votre intérêt et votre temps. Pire, ce lieu espère exploiter votre passivité critique pour vous scotcher, mais votre activité pour soutirer un soutien symbolique ou pécuniaire ; et ce en des lieux où des personnes ne se sont pas posés·es ces questions, ou y ont répondu de manière purement cynique. Animateurs·ices. Je sais que ce taffe est très précarisant, que la relation au publique est pas saine de base. Je sais qu’on peut avoir affaire à des audiences absolument pas réceptives par moments. Mais ce que je sais aussi, c’est qu’il est possible de ne pas tomber dans le cynisme, l’auto-parodie, la dépression ou le fascisme sur le plan formel. Par contre ça demande de se poser des questions sur ce qu’on propose. De se demander quels sont les conséquences de ce qu’on fait et dit, puis aussi de se poser des questions sur ce que font les collègues. Il n’est pas possible de considérer comme étant des collègues comme les autres des personnes avec des pratiques de brutes fascistes. Il n’est pas possible d’exposer votre publique à ça et d’espérer que ça ne fait de mal à personne. Et si vous vous reconnaissez dans certaines de ces pratiques, je vous en prie, questionnez ce que vous faites quand vous allumez le micro. En vrai, si ça n’a pas été fait avant ce texte, je vous avoue que c’est sincèrement une réponse les plus inquiétantes que vous pourriez donner à tout ça. Je ne parviens pas à empathiser avec vous et votre manque de remise en question élémentaire, surtout avec la responsabilité que nous portons. L’animation est comme toutes les autres formes d’expressions culturelles, sa forme épouse son fond idéologique. Et si ça nous vous est pas déjà venu à l’esprit ne serait-ce que de penser à ce que vous faites et aux effets que cela produit, je suis désolée de vous le dire, mais votre usage de l’antenne est irresponsable.

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