[Chronique de Magnolia] Extraits d'analyses linguistiques

Avant propos:

Coucou :D

Ouais euh du coup c'est le quatrième texte pour le projet des Chroniques de Magnolia, une bien belle histoire qui comprend un hôtel, un macchabée, et des parties de bingo qui vont un peu loin. C'est un projet qu'on a en commun avec Calamity James (streamer, BG, scribouilleur de son état) et on aime beaucoup écrire tout ça. L'idée c'est de faire du fantastique avec des éléments aussi à retrouver de votre côté (ergodique, que j'dis pour avoir l'air cool en société).

Le truc c'est que les trois premiers textes (lui ; çui là là ; et y'a lui après) sont plus de lui que de moi, donc sont sur son blog (si tu te poses la question la faute de frappe sur le blog est volontaire). Et heu voilà, joie bonheur, voluptée et bonne lecture /o/.


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Les archives qui vont suivre sont le fruit d’un travail
de recherche colossal, à la fois de traduction, de localisation, et d’adaptation linguistique. Un supercalculateur d’origine inconnu, trois spécialistes en langues créées et une linguiste ont travaillé sur ce qui semble être d’anciens vestiges d’une civilisation qui demeure encore un mystère pour la connaissance humaine. N’ayant aucun référentiel commun, nous avons dû essayé de recréer tout un univers linguistique, hors des langues parlées sur la Terre. Nous ne parvenons pas à avoir de compréhension concernant les noms propres et il semble évident que notre échec à appréhender entièrement la complexité de ces éléments est dû à nombre de nos biais linguistiques. Il transparaît néanmoins que ce que nous interprétons comme des noms propres se réfèrent plus à une série de coordonnées et à des données vitales hypercomplexes. Nous doutons que de tels vestiges aient pu être émis par une espèce similaire à la notre ou ayant des modalités de communication comparables en complexité. D’après nos scientifiques leur communication semble plus proche des baleines à bosse que l’ont retrouvait anciennement dans l’Atlantique et le Pacifique sur la Terre que des humains, si ce n’est quelque chose de plus complexe encore.


La technique qui a été nécessaire pour arriver à cette traduction a été des plus délicates. Il a fallut comprendre leur modalités technologiques de communication afin d’inventer un lecteur analogique spécial pour ces micros-tablettes d’aluminosilicate. Le texte extrait, bien plus long que tout ce que nous pouvions imaginer, à ensuite dû être traduit avec l’aide d’un supercalculateur d’origine et de composition inconnues. L‘opérateur nous a indiqué les codes de sécurité d’usage pour nos communications externes. La seule solution pour qu’il dispose de ces codes était qu’il ait été en contact avec un de nos agents, ainsi, nous avons décidé de prolonger notre confiance en cet agent. D’autant que nos équipes linguistiques (qui n’étaient pas informées de la réelle nature du texte) ont généralement eu à recouper les informations qu’il nous envoyait sur les variables de traduction. Son aide est absolument inestimable. Une fois les grandes règles grammaticales de ce langage grossièrement comprises, il a pu procéder à la quasi intégralité des propositions de traduction. Le reste étant le travail de connaissances et de compréhension de nos scientifiques. J’ai bien peur cependant que le seul moyen pour que nous ayons quelque chose de compréhensible à l’entendement commun, soit d’appauvrir le texte d’origine.




Tchernokia. Date Stellaire 7.23.10987


La ville est en plein état d’ébullition. J’ai rarement vu autant de Tchernokienies¹ s’affairer dans la zone d’ingénierie. Tout le monde était invité·e à un grand débat technicien². Le problème était le même qui affairait la planète depuis 250 révolutions, mais la survie de la ville était ici en jeu, donc toute la cité voulait participer. Évidemment que l’extraction de la lave était encore débattue, évidemment que les amoureux·ses de la planètes allaient encore monopoliser l’attention. Comme si on pouvait laisser mourir une planète avec une technologie aussi avancée que la notre. Il est évident que de solutions locales hypertechniques en solutions locales hypertechniques nous n’aurons aucun problèmes à l’échelle de la planète. Pour ce qui est de Tchernokia, rien n’était sûr, mais il est absurde de penser que la planète sombrera. Pour sauver la ville, nous devions rendre la lave de nouveau rentable énergétiquement parlant.


¹ = Il n’y a pas de trace de féminin ou de masculin dans ce langage. Ainsi, si le terme est propre à la langue, nous lui avons choisi le pluriel « ies » nous semblant plutôt neutre ainsi que l’épicène « ie ». Aussi, si nous n’avons pas d’autre choix, nous utiliserons des formes épicènes courantes, voire nous profiterons du point médian pour marquer le caractère neutre de l’écriture d’origine.


² = Cette société semblait avoir un taux d’éducation infiniment plus haut que le notre. C’est ainsi que nous comprenons ce terme de « Débat Technicien ». La technique semble devenir un débat en démocratie directe avec des modalités d’assemblée très particulières. De ce que nous comprenons, un groupe de 100 ou 10 000 individus (incertitude sur la traduction, nous resterons donc sur un groupe de 100) se réunit. La problématique technique est exposée (pouvant concerner un peu tout les problèmes de la communauté) et ainsi des propositions directes sont amenées. Des groupes se forment alors en réponses et travaillent sur plusieurs propositions d’alternatives et de solutions techniques. La réponse technique est ensuite choisie parmi les propositions émises par les groupes ; parfois unique, parfois mixte (selon un scrutin que nous ne parvenons pas à comprendre).



Tchernokia. Date Stellaire 16.23.10987


Je suis heureux·se d’avoir pu travailler sur le projet qui a le plus intéressé l’assemblée. Notre solution était de changer la composition de la lave³ locale en y ajoutant des composés feldspathiques. Notre solution avait l’élégance d’utiliser les surplus de production locaux, et de faiblement changer le composé chimique de l’eau de la région. Bien que nous sommes passés pour un groupe de Minéroclastes⁴ de bas étage aux yeux de certains tectologistes⁵. Les changements sont, dans nos estimations, très faibles chimiquement parlant. Pas de quoi créer une zone éteinte. Et c’est nécessaire pour que Tchernokia reste habitable pour nos standards de vie. Si nous n’extrayons plus de lave, c’est notre modèle de société qui s’effondre. Nos civilisations elles-mêmes s’effondrent. Nous devrions alors de nouveau utiliser la bioluminescence pour nous éclairer, bâtir avec de la glaise… sans parler des prédateurs pour qui nous redeviendrons des proies potentielles. Et bon, si la cité de Tchernokia choisissait d’elle-même d’arrêter l’usage de la lave, qui dit que nos voisins feraient de même ? Les tectologistes nous rappellent tout le temps que la ville de Songoobrivilsk utilise seulement la chaleur de surface de la lave. Comme s’il était possible qu’une cité aussi grande que Songoobrivilsk n’importe pas quasiment l’entièreté de ses besoins. D’ailleurs, c’est ce qu’ont rappelé les gestionnaires de marché au grand débat.


Notre modèle est indépassable, et de toutes façons notre civilisation trouve toujours des solutions astucieuses pour les soucis qu’il engendre depuis plus de 400 révolutions.



³ = Cette civilisation semblait utiliser la lave comme source d’énergie. Néanmoins, une étude avancée de ces textes indique que son usage intensif posait des problèmes sur la biologie locale ; ainsi qu’a l’activité géologique de la planète elle-même.

= C’est visiblement une condamnation politique. Semblable à une accusation de « Pollueurs » dans nos sociétés.

= Dans nos sociétés, écologistes.




Tchernokia. Date Stellaire 3.27.10987


La nouvelle lave coule dans nos circuits énergétiques depuis un peu plus de trois mois. L’énergie est de nouveau abondante, et nous avons même pu rouvrir notre industrie magnétique, indispensable pour les micro-composants de nos machines-calculatrices. La vie artistique et culturelle reprend de plus belle, avec l’assurance que notre grande et belle cité puisse assurer ses besoins en matériel. Les communications vers l’extérieur vont bon train et certaines nouvelles inquiètent. Apparemment la très ancienne cité de Segepen-Sulinowo a dû être abandonnée à cause d’un taux d’acidité trop haut dans l’eau. C’est trois cent mille⁶ personnes qui sont en exode et qu’il faut reloger. Tchernokia peut en accueillir une partie, mais loin de la totalité. En tout cas, pas sans nouvelles infrastructures.


Le comité des taux d’entassement étudie actuellement le sujet, mais sans un agrandissement majeur de la cité, nous ne pourrons jamais les accueillir. Le problème, c’est que la plupart des cités de la zones sont dans une situation similaire. Tout comme nous ne condamnerons pas ces familles à la ruralité, nous ne pourrons pas rapidement leur trouver une solution pour leur faire un grand quartier typiquement segenowie. De mon poste aux communications, j’essaie de négocier la chose avec des cités voisines, mais toutes me disent que seule Tchernokia, avec la réussite de sa lave Feldspathique peut construire ce qui leur est nécessaire en moins de deux révolutions⁷. En deux révolutions un bébé devient presque adulte… Comment peut-on arriver à une situation où les solutions prennent autant de temps ?


Le comité de construction nous envoie des messages paniqués, demandant le soutien inter-cité. Rien n’indique qu’elles pourront offrir ce soutient, il faudrait, apparemment, leur réclamer un soutien logistique au nom du partage de notre trouvaille sur la lave hautement feldspathique. C’est ridicule, jamais nos sociétés d’abondance n’ont eu à faire ce genre de chantage auparavant, mais deux révolutions est un temps de construction bien trop haut… et c’est sans compter sur les protestations des militants·es tectologistes qui réclament une solution se basant sur une inter-ruralité ; comprenant aussi un étalement de territoire et une colossale baisse de la concentration de population pour Tchernokia. Cette ridicule forme de gouvernance ne saurait convenir aux glorieux·ses Senegowies ainsi qu’aux Tchernokies, tout comme il serait ridicule d’abandonner la lave hautement feldspathique alors que nous commençons à peine à l’exploiter à son plein potentiel. Malgré tout, la plupart des gens semblent penser que Tchernokia-Segepen-Sulinowo est un nom qui a une bonne allure et qui promet des heures glorieuses pour notre cité… c’est au moins un point d’accord entre tout le monde.


= Mille ou Million, nous n’avons pas de certitude sur le terme exact.

= Révolution, dans le sens d’une année. Néanmoins, tout indique que les années dans ce contexte là n’ont pas de point commun de temporalité avec les notre.




Inauguration de Tchernokia-Segepen-Sulinowo. Date Stellaire 8.5.10988 ⁸



Tout me dégoûte. Nous n’avons pas su convaincre ici, en Tchernokia. Pourtant les conséquences de nos modes de vie sont les raisons de l’exode de Segepen-Sulinowo. Dix-sept peuples distinct formaient Segepen-Solinowo. Cinq premiers ont choisi de s’allier en une même entité politique il y a sept cents révolutions, fondant ainsi l’alliance Segepen. Une région vivante, ayant produit de très nombreuses innovations pour notre monde ; dont les bases de l’usage de la lave deux siècles plus tard. Peu de temps après, face à cette colossale énergie les autorités locales ont décidé de créer le « Traité Tectonique de Segepen», qui impliquait que la nouvelle source d’énergie devait être utilisée avec raison, et que nous ne devrions au grand jamais perturber consciemment la vie interne de la planète… quelle vaste blague. Notre gloutonnerie a tôt fait de rejeter ces belles résolutions qui n’ont tenues qu’une petite trentaine de révolutions. Segepen devenait le phare du monde et une mégalopole monstrueuse. En s’étendant, elle a englouti trois cités, englobant huit peuples qui se sont fondu petit à petit en un. C’est ainsi que ce berceau de vie et de technique devint berceau de mort.


En 10743, Cahobyl, une cité en cours d’intégration à Segepen, a
connu en son sein une des catastrophes les plus traumatisantes pour notre civilisation. Les besoins extractivistes de la cité dépassait sa production de sûreté, ainsi ses centrales thermiques étaient en constante surproduction… Une première explosion, puis, tout le secteur énergétique de la ville explosa en des geysers destructeurs. Celles·eux que les explosions de centrales ne tuèrent pas sur le coup, purent alors voir de colossaux geyser de lave et la fureur s’abattre sur elles·eux. Et si cela n’était pas suffisant, une zone de presque trois milliers de kilomètres à la ronde a été rendue impropre à la vie à cause des retombées de lave toxique. Un dixième de la population seulement a pu s’enfuir, et seule une dizaine de personnes ont pu sortir de Cahobyl. L’alliance Sulinowo, étant dans son voisinage le plus proche, les accueillit à bras ouverts, fondant ainsi Segepen-Sulinowo.


Cette nouvelle alliance créa le pacte de Segepen-Sulinowo, traité énoncé à Sullinowo en coopération avec les cités voisines avant même l’installation des rescapés·es. Ce traité considérait comme crime planétaire toute production thermique ne respectant pas la vie de la planète ainsi qu’un nombre de considérations de sécurité assez colossale pour l’époque. Pour faire respecter ce pacte, l’armée des casques rouges fut créée. Elle promettait le feu et le sang si jamais quiconque ne respectait pas le traité. Le traumatisme était tel, que personne ne s’est insurgé, ni n’est allé à l’encontre de ce traité. Si bien que l’armée devint un groupe diplomatique en quelques décennies, groupe diplomatique ayant, même de nos jours, dans sa présidence des descendants·es de Cahobyl, en hommage du traumatisme vécu.


Ce nouvel équilibre dura trois siècles. Segepen-Sulinowo était alors une cité stable, sauf que les traités tombèrent en désuétude. Les casques rouges ratifièrent alors le premier amendement autorisant l’altération de la lave, créant ainsi un renouveau énergétique au prix de l’équilibre acido-basique de nos eaux. Le premier amendement scélérat, qui fit migrer de nombreux peuples, mais multiplia le rendement. Ainsi, petit à petit, Segepen-Sulinowo, est passé.e du paradis tectologique à un enfer pollué. Les eaux étaient condamnées depuis bien longtemps, mais la perspective d’une panique générale que provoquerait l’évacuation de la population était telle qu’il fut décidé d’attendre alors le dernier moment, trente sept révolutions ont passée avant que lea direction locale de Segepen-Sulinowo n’acte la plus importante et conséquente migration que notre planète ait vu.


Et Tchernokia… Tchernokia a réveillé et optimisé ce vieux monstre avec sa lave feldspathique. Ce monstre qui a créé Segepen-Sulinowo, et qu’elle a décidé d’oublier. Ce vieux monstre qui lui a permis une coopération inter-cité intense pour tripler sa taille afin d’accueillir toute cette population en un colossal ensemble urbain. Ce vieux monstre qu’elle a propagé aux cités voisines, au nom des rescapés. La solutions d’accepter de créer de nombreuses petites cités rurales a été rejetée d’office, à Tchernokia tout comme à Segepen-Sulinowo.



Si personne n’agit, Tchernokia-Segepen-Sulinowo, de son nouveau nom, deviendra alors le lieu de la prévisible catastrophe
finale. Une catastrophe qui pourrait détruire l’entièreté de la planète. C’est dans ce constat que nous fondons le groupe des Foulards Rouges ; afin de retourner aux anciennes promesses des casques rouges. Et c’est dans ce constat que nous n’avons pas d’autres choix que de réveiller la nouvelle cité, et de la faire tomber, de la disloquer en petite communautés qui auront peut-être de meilleures chances de survie. En tout cas, c’est ce à quoi nous aspirons. Bien que notre cause soit juste, nous n’aurons sans doute pas d’autres choix que la violence. Pour la survie du monde, pour notre survie.



= Ce texte vient vraisemblablement d’un tout autre individu que les trois premiers.

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